Le 12 novembre 2011 à la cuisine collective de Daoudabougou

Le 12 novembre 2011 à la cuisine collective de Daoudabougou

Le 12 novembre dernier, les femmes de la cuisine collective ont procédé à l’emballage d’une bouillie aux trois céréales qu’elles avaient préparée plus tôt dans la semaine. Tandis que certaines pesaient et ensachaient, d’autres préparaient une collation d’arachides salées pour leurs petits et elles-mêmes.

Au Mali, le coût des denrées alimentaires a récemment augmenté de manière fulgurante. À pareille date l’an dernier, le kilo d’arachides se vendait 300 Francs CFA, soit environ 0,60 $ (CDN). Toutefois, puisqu’il n’y a pas eu beaucoup de pluie cette année, les récoltes ont été mauvaises et le prix  du kilo d’arachides a doublé. Les femmes de la cuisine collective semblaient très préoccupées par cette problématique. En fait, l’arachide constitue un des ingrédients de base de l’alimentation malienne et les foyers disposent d’un budget assez limité pour subvenir à leurs besoins journaliers. Les femmes étaient toutefois contentes de pouvoir compter sur leurs consœurs de la cuisine collective afin de pouvoir se partager les coûts de préparation des repas pour leurs enfants et ainsi, diminuer un peu les effets de la hausse des prix des denrées alimentaires.

Les arachides salées

Afin de préparer une collation d’arachides salées, on doit commencer par faire tremper les arachides dans de l’eau salée.

Lorsque que ces dernières sont bien imbibées de la solution, on les fait sécher. Puis, on les torréfie.

Pour torréfier les arachides de manière uniforme et sans les brûler, on doit mettre du sable au fond d’une marmite.

On met ensuite la marmite sur le feu et on ajoute l’équivalent de 4 à 6 tasses d’arachides crues et maintenant salées. On remue les arachides constamment pour éviter que certaines soient plus exposées à la chaleur que d’autres.

Pour vérifier si les arachides sont prêtes à être retirées du feu, on doit ouvrir une graine en deux et regarder sa couleur. Elle doit avoir perdu sa teinte blanche et arborer une couleur dorée.

Lorsque les arachides sont prêtes, on doit les tamiser pour en retirer le sable utilisé lors de la cuisson.

Et voilà, une bonne collation d’arachides salées est fin prête à être dégustée !

La bouillie aux trois céréales (modifiée)

Tel que mentionné plus haut, le prix des denrées alimentaires a beaucoup augmenté dans les dernières semaines. Ainsi, les femmes ont été contraintes à préparer une recette modifiée de bouillie aux trois céréales (comparée à celle du 24 septembre).

Cette dernière était composée de farines de mil, maïs jaune et sorgho, mais le pain de singe ainsi que les haricots et le sésame étaient trop chers. Les femmes ont donc choisi qu’elles ajouteraient du lait frais, caillé ou en poudre et du citron pressé au mélange des farines lors de la préparation de la bouillie à la maison.

Le mil

Le maïs

Le sorgho

L’emballage

Afin que chacun des membres de la cuisine puisse repartir avec sa part de la nourriture préparée, les femmes emballent la bouillie précuite dans des sachets de plastique.

Pour ce faire, les femmes travaillent à la chaîne.

Pendant que quelques femmes ouvrent les sachets, d’autres s’occupent de peser, à l’aide d’une balance, le nombre de kilos de bouillie précuite qui sera mise dans chaque sachet.

Finalement, une femme verse la quantité de bouillie pesée dans un sachet tenu par une consœur. Cette dernière s’occupe également de fermer les sachets à l’aide d’un nœud.

Maintenant, chaque femme pourra repartir avec son ou ses sachets de bouillie précuite.

Nom : Founé Diarisso

Âge :54 ans

Emploi : Teinturière de Bazins et transformatrice d’aliments locaux tels que les céréales, les fruits et les légumes

Nombre d’enfants : 6 enfants et 3 petits-enfants

Mon met préféré : Je suis Soninké donc j’aime beaucoup le couscous avec de la sauce aux feuilles vertes et arachides, accompagné de viande ou de poisson frais, fumé ou séché. J’aime aussi le couscous avec des haricots et une sauce aux feuilles vertes avec de la poudre ou de la pâte d’arachide.

Ce que j’aime par dessus tout : L’exode et l’argent. Plus précisément, j’aime avoir de l’argent puisque cela me permet de voyager.

Ce que je n’aime pas du tout : La trahison

 

Ce qui me rend unique c’est…? :

Dans la culture malienne, nous sommes trop humbles pour définir nous-mêmes nos qualités. Selon Selly Ouane, la directrice exécutive de l’ONG Woïyo Kondeye[WK], c’est ma persévérance à travailler de manière irréprochable  jusqu’au bout qui me rend unique; tandis que, selon Mamadou Koné, un stagiaire à WK, c’est mon plutôt mon courage et la bonne qualité de mon travail.

Motivation à faire partie de la cuisine :

Avant même que la cuisine collective soit créée, je faisais partie d’un groupe de femmes qui œuvrait contre la malnutrition au sein du centre de santé communautaire (CSCOM) de Daoudabougou. Je trouve très important de lutter dans le but de vaincre la malnutrition et j’aime la solidarité qui s’est créée entre les femmes. En fait, nous sommes un groupe qui a traversé plusieurs étapes ensemble. Comme je disais, nous avons commencé ensemble ici, au CSCOM, puis, lorsque le groupe de cuisine collective a été mis en place, nous avons déménagé nos activités au local de Woïyo Kondeye, dans le quartier de Sogoniko. Finalement, lorsque nous avons eu les moyens d’acquérir notre propre matériel, nous sommes revenues à Daoudabougou et nous avons aidé à mettre sur pied d’autres groupes de cuisine.

 

À la cuisine, j’ai apporté… :

Mon expérience en transformation des céréales et plusieurs recettes de bouillies enrichies. J’ai aussi fait la traduction des termes de nutrition de la langue française en langue Bambara.

 

Un message que j’aimerais transmettre :

C’est grâce à Woïyo Kondeye et à son intérêt dans la cuisine collective que nous avons pu nous rendre jusqu’ici et nous faire connaître. Par exemple, j’ai bien aimé participer à l’émission « Bien Manger », prendre part à la journée panafricaine des femmes, ainsi que ma rencontre avec la Première Dame, le Président ATT et quelques ministres.

J’ai fait la connaissance de plusieurs personnes à travers la cuisine collective et Woïyo Kondeye. C’est aussi grâce à WK que je suis maintenant une formatrice en nutrition et que je peux aider les autres.

J’aime le sourire et la joie qui règnent au sein de la cuisine collective. Cet enthousiasme nous fait oublier les problèmes de la vie de tous les jours.

Le but principal de la cuisine collective [CC] est de combattre la malnutrition et la sous-nutrition chez les enfants entre 6 mois et 5 ans ainsi que leurs mères.

Pour ce faire, les femmes de la CC ont été sensibilisées aux carences les plus fréquentes au pays. On leur a également fourni de l’information à propos de l’importance d’offrir des repas complets à leurs enfants.

Afin de leur expliquer, de manière compréhensive, en quoi consiste un repas qui est complet, une ébauche de guide alimentaire a été créée et partagée avec elles.

Le guide comporte 3 groupes d’aliments : énergie, protection et construction.

Groupes alimentaires

Le groupe énergie est comparé au carburant. Pour avancer et bien fonctionner, la moto doit avoir de l’essence dans son réservoir. Le corps humain a, lui aussi, besoin de carburant pour assumer ses fonctions journalières. Toutefois, pour l’humain, le carburant n’est pas de l’essence, mais plutôt les glucides contenues dans certains aliments tels le pain, les céréales, les tubercules et toute huile végétale ou graisse animale (ex : huile de soja).

Le groupe construction se compare aux briques qui forment une maison. Pour être qualifiée de «bonne» maison, les matériaux de construction de cette dernière doivent être solides et de qualité. De la même manière, pour avoir un corps résistant et en santé, on doit avoir une ossature solide, des muscles forts et des tissus résistants. Les aliments de construction, en apportant des protéines au corps humain, participent à l’obtention d’un tel corps. Plus précisément, les acides aminés contenus dans les protéines sont essentiels à la fabrication des muscles, des anticorps et des cellules. La viande, le poisson, les œufs, les noix, les légumineuses et les produits laitiers sont des exemples d’aliments de construction.

Le groupe protection se compare à la clé d’une maison. Afin d’avoir accès à tout ce que contient la maison (radio, gazinière, lit, etc.), on doit avoir une clé pour ouvrir la porte. Les antioxydants, les vitamines et les minéraux contenus dans les aliments du groupe de protection jouent ce rôle. En effet, les micronutriments permettent au corps humain d’assimiler et utiliser les autres substances présentes dans son enceinte afin d’entretenir les cellules, de favoriser la croissance, de réguler les cycles hormonaux et d’assurer la défense de l’organisme. Les aliments de protection sont majoritairement des fruits et des légumes.

Carences

Pour ce qui est des carences alimentaires des Maliens, les 3 principales sont : le fer, la vitamine A et l’iode.

Le fer concerne principalement le transport de l’oxygène dans le sang et le bon état des protéines musculaires. Dû au nombre important de cas de malaria au pays, il est important pour les Maliens d’avoir un bon apport en fer dans leur diète quotidienne. En effet, cette maladie affectant les globules rouges, elle provoque souvent l’anémie[i].

Le fer provient de deux sources principales, soit d’origine animale et d’origine végétale. On le retrouve donc dans les viandes et poissons, mais aussi dans les  noix, les légumineuses, les céréales (fonio, mil et sorgho), les fruits (pain de singe) et quelques légumes, comme les feuilles vertes (ex : feuilles de Baobab). Afin de permettre au corps humain de bien absorber le fer d’origine végétale, on doit s’assurer de manger assez d’aliments contenant de la vitamine C (oranges, goyaves, papayes, etc.).

La vitamine A concerne principalement la santé des yeux, la croissance des os et le bon fonctionnement du système immunitaire, de par son rôle relié à la santé de la peau et des muqueuses.

On la retrouve dans le foie, les noix et l’huile de palme, les légumes de couleur jaune ou orange, mais aussi les épinards et les feuilles vertes. Au Mali, les feuilles vertes et le maïs jaune sont des sources de vitamine A qui sont peu coûteuses.

L’iode est une carence de grande importance au Mali. En fait, résidant dans un pays enclavé, les Maliens ne bénéficient pas d’un apport naturel en iode, contrairement à ceux qui habitent le long des côtes maritimes et respirent l’air salin, tout en ayant plus facilement accès à des aliments riches en iode, tels le poisson marin, les algues, les crustacées et les fruits de mer.

Dans le corps humain, l’iode participe à la fabrication des hormones thyroïdiennes. Une carence entraîne donc l’apparition d’un goitre, soit une enflure du cou, et est souvent désignée comme la cause de troubles mentaux[ii].

Depuis quelques années, tout sel vendu au Mali doit être iodé. Entre 1995 et 2005, le nombre de ménages consommant du sel adéquatement iodé est passé de 1% à 74%, réduisant ainsi les troubles reliés aux carences en iode[iii].

Références :

Dogo, N. S. (n.d.). Recueil des aliments locaux. Document produit pour CECI-Uniterra, Bamako: Mali.


[i] Prentice, A.M., Ghattas, H., Doherty, C. & Cox, S.E. (2007). Iron Metabolism and Malaria. Food Nutrition Bulletin, 28 (4 suppl), S524-539. Récupéré par Google Scholar, le 22 décembre 2011, à l’adresse : www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/18297891

[ii] Zimmermann, B. M., Jooste, P. L., & Pandav, C. S. (2008). Iodine-deficiency disorder. The Lancet372 (9645), 1251-1262. Récupéré par Google Scholar, le 27 décembre 2011, à l’adresse : www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140673608610053/abstract

[iii] UNICEF. (2008). L’élimination durable de la carence en iode. Publié par le Fond de Nations Unies pour l’enfance, New York: États-Unis.

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